lundi 29 octobre 2012

« To Screw Foreigners is Patriotic: China's Avant-Garde Nationalist »


R.BARME, Geremie. « To Screw Foreigners is Patriotic: China's Avant-Garde Nationalist », Sydney, Contemporary China center, ANU, The China Journal, No. 34 (Jul., 1995), p. 209-23.  

Texte de Deschenes-Boutin Jeremie

Ayant travaillé comme journaliste, auteur et traducteur en Chine, Geremie R.Barme est aujourd’hui directeur de l’Australian Centre on China in the World (ANU) situé à Canberra. Historien, auteur, documentariste et critique, il se spécialise dans l’analyse socio-politique des courants culturels chinois. Détenteur d’un doctorat de l’Université Nationale d’Australie, ses études l’amenèrent au Japon en Chine ainsi qu’aux États-Unis. Référence dans son domaine, R.Barme perçoit le rapport entre les médias, la politique et la population selon une optique de vases communicants. Cette vision globale de l’évolution sociétale combinant culture populaire  et grandes tangentes idéologiques nous permet d’associer l’essentiel de son oeuvre au courant historiographique souvent qualifié « d’histoire des idées ».   

L’article étudié date de 1995, mais semble cependant rejoindre une grande quantité de domaines de recherches contemporains. Utilisant des sources extrêmement éclectiques (1), ce texte d’une densité déconcertante combine histoire, psychologie, philosophie et sociologie ( et peut-être plus encore...) afin de démontrer l’évolution du nationalisme chinois, voire même de l’identité chinoise, dans une ère de transformations politico-économiques intense. L’auteur tente de mettre à jour les différentes bornes idéologiques utilisées afin de légitimer le pouvoir d’un PCC toujours omnipotent, mais en proie à une crise existentielle sans-précédent. R.Barne démontre la transformation (post-Tianamnen) du rôle des intellectuels en Chine; en se basant sur l’idée que les opinions exprimées dans les médias sont partagées par plusieurs pans de la société, il s’efforce de dresser un tableau général des opinions populaires et des oppositions idéologiques. Ces nouveaux courants ne sont majoritairement pas destinés à la négation des spécificités culturelles et politiques chinoises, mais suivent plutôt une logique entérinant le statu quo. En s’efforçant de démontrer la continuité des traits culturels traditionnels dans les justifications apportées par les érudits chinois contemporains, l’auteur expose l’influence accrue de l’histoire comme source de « renouveau identitaire ».  
  

En utilisant comme fil conducteur une télé-série diffusée au début des années 90 ( A Beijing Man in New York), R.Barne démontre l’ambivalence de la relation entre la « vieille Chine » et les puissances occidentales. Le protagoniste de cette série personnifie, grâce à sa réussite économique, le dépassement d’un malaise historique « d’impuissance » national. Mettant en parallèle la pauvreté matérielle chinoise et la « vacuité spirituelle de New York » le réalisateur semble affirmer que lorsque les Chinois ont accès aux « mêmes cartes » que le reste du monde, ils peuvent faire autant voire mieux que les Occidentaux. Ce pied de nez aux États-Unis constitue, selon l’auteur, une affirmation nationale basée sur une soif de puissance teintée d’une amertume quasi malsaine.   

À l’aide de cette figure de cas, l’auteur tend à démontrer que le  renforcement nationaliste n’est plus depuis les années 90 l'apanage unique du PCC mais est maintenant bien ancrée dans une culture « non officielle » diffusée à grande échelle. Les organes de propagandes du PCC sont  maintenant focalisés sur un enorgueillement national constituant un postulat de force par apport au monde occidental. Au cours des années 90, le PCC effectue une tentative d’éducation de masse visant la transformation de son image en symbole patriotique. Ainsi, au-delà de ses faiblesses doctrinales, le PCC vise à devenir la figure de proue d’une Chine focalisée sur son désir d’affirmation internationale. La stabilité politique combinée à un ralentissement du renouveau intellectuel (critique) et à une accélération de l’économie incarnerait donc une convergence factorielle pouvant exalter l’aura patriotique d’un PCC prônant une version sinisée de « l’American dream ».  

En exaltant l’image véhiculée par les médias occidentaux de l’émergence d’une « nouvelle Chine », les intellectuels chinois défendraient une nouvelle forme de positivisme (2) ayant comme locomotive un parti unique fort et autoritaire. De plus, en créant de nouveaux repères identitaires que l’auteur associe à un « orientalisme oriental », la culture traditionnelle semble être grossièrement adaptée aux exigences politiques contemporaines.  

Finalement, l’auteur démontre le rôle historique des traditions bouddhiques dans l’acceptation des maux du XXe siècle et expliquerait donc ainsi la relative paix sociale régnant en Chine. En effet, la croyance de l’existence d’un fardeau karmique millénaire devant être porté par les générations futures justifierait au sein de la population la majorité des troubles sociaux des dernières décennies; cette logique excluant donc le PCC d’une grande part de responsabilités. La culture médiatique viendrait elle-aussi piger dans le patrimoine historique en remettant de l’avant le fantasme séculaire de domination mondiale, de retour vers un âge d’or flou et idéalisé.  

(1) Journaux chinois, série télévisée, films, ouvrages scientifiques, articles scientifiques... 
(2) Croyance absolue en le « progrès » pour soigner tous les maux...

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