mardi 30 octobre 2012

"Nationalisme populaire et nationalisme d’État : le cas chinois."

Text de Tian Jiang

Ben Xu, "Nationalisme populaire et nationalisme d’État :  le cas chinois."   Outre-Terre 2/2006 (no 15), p. 51-59.

Ben Xu, professeur en Études anglaises, St Mary’s College of California, professeur associé à l’École normale de Pékin.

Dans cet article, Ben Xu a démontré que les chinois ont eu une montée du patriotisme ou nationalisme contre l’humiliation des pays occidentaux.(guerre d’opium)
La théorisation du nationalisme, en Chine, est un phénomène remarquable associé à la montée des nationalismes officiel et non officiel dans les années 1990. D’autant que les Chinois sont les premiers à rejeter ou répugnent à utiliser certains concepts occidentaux comme le « nationalisme racial » ou l’irrédentisme.Certains auteurs dénoncent dans le nationalisme chinois un maintien de « vestiges irrationnels », le retour à un « passé barbare  ». Les théoriciens chinois, formulent quatre types de discours, parfois susceptibles de se recouper.

D’abord, l’obsession de légitimité depuis la crise de 1989. L’État a pour projet de transformer l’appartenance culturelle (minzu wenhua ningjuli) en solidarité politique.Ce nationalisme centré sur l’État s’ancre dans le sillage de la résurgence autoritaire des années 1980. Un néo- autoritarisme selon lequel le miracle des quatre dragons d’Asie du Sud-Est s’expliquerait par la structure patriarcale du pouvoir, un collectivisme d’inspiration confucianiste, la cohésion des liens familiaux et la frugalité des mœurs. Cette quête de légitimité vire au nationalisme au début des années 1990.

Le nationalisme « réactionnel ». Le peuple réalise sa cohésion pleine et entière dans l’expérience cruciale de l’antagonisme.Le nationalisme anti-impérialiste n’a, en Chine, rien de neuf. On sait, dans les années 1990, qu’il y avait déjà sous Mao de puissantes représentations du « courageux peuple chinois » en lutte contre la « pénétration occidentale ». L’idée étant que, si le maoïsme a maintenu le pays dans un état de pauvreté et d’arriération, c’est qu’il fallait tenir celui-ci « à l’abri de l’influence étran- gère». Le nouvel anti-impérialisme ne craint pas plus l’isolement que le courant maoïste qui l’a précédé. Non qu’il recherche semblable situation, mais la « splendid isolation » lui semble inévitable dès lors que le poids grandissant de la Chine va commencer à se faire sentir dans d’autres régions du monde, à bouleverser l’ordre politique et économique du globe et à stimuler la compétition planétaire en matière de ressources. Le nouveau nationalisme anti-impérialiste chinois, par contre, se conçoit en tant que stratégie de survie nationale de l’après-guerre, destinée à remplacer le projet communiste pour servir de base à une politique de masse.

Le « nationalisme civique » de Zhang Xudong, son avocat le plus bruyant. Il est question ici d’un peuple immédiatement présent et uni, comme naturel avant d’être juridiquement déterminé. Le phénomène est indépendant des changements économiques. Aurait émergé un espace social où les citoyens développent un sens nouveau de l’égalité, de la démocratie, de l’individualisme et de la communauté. Sans qu’il y ait eu approbation de l’État ou participation des intellectuels à ce mouvement de masse. On insiste ici plus sur l’adhésion que sur les institutions. Et, dans ce cadre, la menace la plus sérieuse vient des intellectuels libéraux, coupables d’élitisme et d’universalisme ; eux-mêmes à l’abri, ils se font les complices de l’État oppresseur.

Le nationalisme culturel de la « sinitude ». Shao Jian, un critique basé à Nankin, distingue utilement entre « traditionnalistes culturels » et « nativistes culturels ». Les premiers aspirent à une synthèse entre tradition chinoise et modernité ou, plus précisément, à une modernité où se préserve la « sinitude », la quintessence de la civilisation chinoise.

En fin, Certains intellectuels exposent les thèses d’un nationalisme viscéral qui permettrait selon eux au peuple de participer à la formation de la société civile. D’autres restent plus sceptiques, car ils savent bien quelle utilisation le parti d’État, vigilant, peut faire du nationalisme non officiel.

Quoi qu’il en soit : le télescopage entre les nationalismes officiel et non officiel a produit une multiplicité de discours, et le débat, mené par les intellectuels et modulé selon pouvoir d’État ou opinion publique , s’est répandu dans toute la population.

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