mardi 4 décembre 2012

Shaping the Internet in China


« Shaping the Internet in China »

Texte par Trinh Phan

HARWIT, Eric and Duncan Clark. “Shaping the Internet in China: Evolution of Political Control over Network Infrastructure and Content”, Asian Survey, Vol. 41, No. 3, May-June 2001, pp. 377-408.

Eric Harwit est un professeur associé des études asiatiques d’University of Hawaii. Duncan Clark est le fondateur et directeur administratif de BDA China Ltd. à Beijing. Cet article est l’objet d’un sondage sur l’usage d’Internet, qui a eu lieu à Shanghai pendant l’été 2000, et où trente personnes (Chinois, étrangers, officiels et universitaires) y ont répondu. Les auteurs ont tiré quelques hypothèses sur le développement d’Internet en Chine de cette enquête. 

Selon eux, la question des profits est un incitatif important pour le gouvernement de faire développer le réseau dans tout le pays. Le gouvernement chinois vise à exploiter le réseau international pour accéder aux avantages éducationnels et commerciaux étrangers. Cependant, ce but entre en conflit avec le désir de contrôler l’information. 

L’étude de Harwit-Clark a démontré que vers la moitié de 2000, les internautes préfèrent les sites privés aux sites soutenus par le gouvernement, car les premiers offrent des contenus répondant à leur demande et ils portent concurrence aux entreprises d’État. Un des moyens de protéger les entreprises de l’État est d’attribuer un accès limité (connexion lente et/ou défaillante) aux sites étrangers. Ce contrôle pour bloquer techniquement les sites non chinois servirait à « prévenir que des contenues controversés venant de l’étranger ne puisse rejoindre le public chinois ». En fait, ce contrôle schizophrénique permet au gouvernement, dans le cas où les entreprises chinoises sont en danger de vitalité économique, de potentiellement forcer les corporations étrangères hors d’accès pour les internautes. L’obligation de s’enregistrer est un outil de contrôle permettant la protection de l’économie chinoise, mais est aussi une arme d’intimidation contre les usagers du Web.
Le gouvernement chinois « resserr[e] le contrôle » d’Internet afin de pouvoir identifier et d’« effacer les contenus de matériels ‘nuisibles’ ». Les internautes qui se font arrêter pour avoir outrepassé les règlements d’usage « acceptable » d’Internet sont sévèrement punis en public. Cette méthode de punition publique est une arme d’intimidation servant à « fortement inciter » les usagers à respecter les règles d’utilisation du Web, car il est techniquement impossible pour le gouvernement de surveiller en même temps tous les sites web qui existent sur le réseau. Les sites jugés « douteux » par le gouvernement changent continuellement leur adresse et leur prolifération est telle que le gouvernement est incapable de tous les tracer et de les effacer. Pourtant, l’obligation de s’enregistrer  passe plus pour une arme de régulation qui a plus d’effets psychologiques que d’effets pratiques sur les habitudes des internautes. Les usagers du Web ne diminuent pas leur utilisation d’Internet, mais ont plus tendance à s’autocensurer pour leur propre sécurité.
En consultant le contenu dans les chat-room, Harwit-Clark notent l’insipidité des sujets de discussion : le sport, le voyage, les jeux, la nourriture, la vie en général et faire des rencontres en ligne. Il n’y a peu, voire pas, de discussions à caractères politiques. La connexion lente et défaillante (en 2000) rend difficile de maintenir une conversation continue. Cependant, même avec une connexion rapide et performante, les usagers s’autocensurent dans les chat-room. Parfois, il y a des soubresauts, où les usagers s’enflamment et expriment leur colère contre le système politique chinois. Toutefois, il est difficile de déterminer si ceux qui s’expriment sont localisés à l’intérieur ou à l’extérieur du pays. 
De plus, le contenu des propos mis en ligne varie en fonction de l’âge des usagers. Les plus âgés, dont l’exemple des membres du Falun Gong, tendent plus à défier les règlementations de contenu permis. Par contre, les jeunes urbains, principalement les hommes, ne s’engagent pas sur des discussions à caractère politique de peur de mettre en danger leur future carrière. Le danger potentiel de se faire arrêter par le gouvernement suffit pour qu’ils s’autocensurent ce qu’ils diffusent. Internet crée donc un consensus où la stabilité politique est renforcée. 
Par ailleurs, le temps que les usagers passent devant l’écran ne semble pas favoriser le développement de contact humain. Harwit-Clark remarque que, similaires aux Américains, les internautes chinois passent plus de temps sur les réseaux sociaux en ligne qu’avec la famille et les amis. Ainsi, plutôt que d’organiser des groupes mouvements qui peuvent tomber en dehors du contrôle politique, les Chinois tendent à plus à s’isoler et posent ainsi moins de problèmes pour les autorités de les contrôler.
Harwit et Clark concluent que le développement d’Internet en Chine dépend de l’usage que les internautes en font et de la recherche de profits des fournisseurs. Même si le gouvernement chinois contrôle physiquement Internet, cela ne signifie pas qu’il contrôle pour autant le contenu. Il arrive que parfois les fournisseurs tiennent plus ou moins en compte de ce qui était affiché sur le Web tant que l’argent entrait. En matière de sujets de discussion à caractère politique dans les chat-room, le contenu varie selon l’âge des usagers. Les personnes âgées peuvent se montrer plus ouvertement critiques envers le régime alors que les jeunes cherchent à ne pas causer de perturbation politique pour ne pas mettre en danger leur future carrière. Avec un tel profil démographique des usagers, un consensus semble s’installer dans les générations suivantes pour préserver une certaine stabilité politique sur Internet.
En relisant cet article en 2012, nous constatons que certaines conclusions des auteurs sont démontées. Cette enquête portée sur trente Shanghaiens urbains ne peut pas représenter l’ensemble de la Chine. L’empêchement des internautes d’exprimer librement leur frustration contre le régime crée une illusion d’harmonie politique, mais l’exacerbation des mécontentements augmente à cause de l’accumulation des frustrations. Internet peut isoler les internautes de sa famille et de ses amis, mais peut amener la population à s’immobiliser en masse pour des questions qui leur tiennent à cœur (exemple des scandales alimentaires). Malgré un accès limité, le contenu étranger porte impact sur l’opinion publique chinoise, même à court terme (exemples de Bo Xilai et Wen Jiabao). Par ailleurs, de multiples moyens ont été développés pour contourner le contrôle gouvernemental de la toile.
Par contre, d’autres conclusions restent valables. Harwit-Clark ont bien vu que le gouvernement chinois allait augmenter son contrôle sur le réseau cybernétique chinois. La protection des entreprises d’État peut ralentir à court terme la force du marché libre, mais donne des outils pour le pays de créer des géants informatiques – le but actuel de la Chine – ayant le potentiel de contrôler le réseau cybernétique mondial (exemple de Weihua et ZHT).

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