lundi 3 décembre 2012

"Networked Authoritarianism."

Texte de Gabrielle Renault

Rebecca MacKinnon, China's "Networked Authoritarianism." Journal of Democracy, Volume 22, Number 2, April 2011, pp. 32-46.

          Rebecca MacKinnon est une bloggeuse notoire en plus d’être Correspondante et Chef de bureau à Beijing pour la chaine télévisée CNN. Elle est aussi la co-fondatrice de Global Voices Online, un réseau international de blogueurs et de citoyens journalistes qui suivent et concentrent l'actualité de la blogosphère mondiale. Son article, «China's "Networked Authoritarianism», a été écrit à la suite du discours qu’elle a prononcé en mars 2010 pour le congrès américain sur la Chine. L’auteur y décrit les effets de «l’autoritarisme réseautique» sur le sentiment de légitimité du gouvernement chinois, ainsi que les différentes techniques déployées par ce même gouvernement pour gérer la façon dont les chinois discutent, apprennent et organisent en ligne.

          Selon elle, le sentiment de liberté que peuvent avoir les internautes chinois en parvenant à attirer l’attention du monde sur des problèmes ou des injustices qu’ils subissent, en sentant qu’ils ont la possibilité de parler et de se faire entendre, camouffle le fait que la censure opérée par le gouvernement n’a jamais été aussi sévère, et le contrôle et la manipulation des conversations aussi complets, que dans les dernières années. Cela est du en grande partie au fait que le gouvernement ne contrôle pas tout le monde, tout le temps, mais que la surveillance qu’il effectue est assez efficace et subtile pour que les chinois eux-mêmes ne soient pas conscients du niveau d’aveuglement et de manipulation auquel ils sont astreints. L’auteur explique aussi que le système de censure du gouvernement s’améliore et se renforce chaque année, si bien que la plupart des actions socialement « révolutionnaires » menées par des citoyens ordinaires ont un impact, oui, mais toujours à l’intérieur du «Grand Pare-feu Chinois», et qu’elles demeurent bloquées à l’intérieur du pays, hors de portée des médias internationaux. MacKinnon explique aussi que si certains mouvements activistes (ceux que l’on qualifie de mouvements de «coopération», i.e. qui proposent des solutions au lieu de simplement critiquer ouvertement les décisions du gouvernement) rencontrent plus de succès sur le net et ne sont pas aussi systématiquement étouffés que d’autres mouvements plus agressifs et revendicateurs, c’est que le Parti communiste chinois a adapté l’internet à sa convenance, de façon beaucoup plus réussie que ne peuvent le croire les observateurs occidentaux.


          L’auteure démontre ensuite qu’il existe quatre principaux espaces de délibération sur Internet, et que le Grand Pare-feu Chinois n’a été développé que pour contrôler le dernier, bien que ce soient les deux premiers qui aient le plus grand impact sur la politique chinoise. Ces espaces sont : 1. les espaces de propagande centrale (les forums et les sites web développés par le gouvernement lui-même), 2. les espaces commerciaux gérés par le gouvernement (les sites web développés par des compagnies privées, mais surveillés et en partie gérés par le gouvernement), 3. les espaces civiques émergents (les sites web développés par des organismes non-gouvernementaux moins systématiquement surveillés), et 4. les espaces de délibération internationaux (les sites et les forums hébergés hors de la Chine, et qui ne peuvent donc pas traverser le Pare-feu). Étonnement, même si le gouvernement contrôle activement les espaces commerciaux et les entreprises privées, il doit compter sur leur coopération pour ce faire, car ce sont les entreprises elles-mêmes qui s’occupent de faire leur propre surveillance ainsi que leur autocensure.

          MacKinnon poursuit en expliquant les diverses méthodes de contrôle et de manipulation qu’emploie le gouvernement chinois, méthodes allant de simple surveillance des mots «chauds» du moment jusqu’aux cyber-attaques sur des comptes de messagerie électronique d’activistes notoires et même au blocage complet d’Internet (comme ce fut le cas dans la province du Xinjiang en 2009). L’auteure explique cependant que, selon un sondage conduit en 2010 par le gouvernement, la majorité de la population serait en accord avec les méthodes  de surveillance plus « douces », et considère cette supervision comme une manifestation du progrès et de la démocratie socialiste chinoise. Elle conclue en expliquant que l’Internet ne démocratisera pas la Chine de sitôt, et que de nombreux problèmes de politiques gouvernementales doivent être réglés avant que l’Internet et les technologies mobiles puissent atteindre leur plein potentiel libérateur.

          Il est intéressant d’observer qu’alors même que la Chine tend vers une plus grande démocratie, les gens sont de moins en moins en mesure d’organiser des mouvements de protestation qui remettraient en cause la légitimité du PCC, et que les conséquences pour avoir tenté de le faire sont de plus en plus sévères. Cet article s’insère donc parfaitement dans notre questionnement sur la place de la démocratie en Chine, et sur le rôle que peut ou doit jouer l’Internet dans ce processus de démocratisation.

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