mardi 4 décembre 2012

Géographie des lieux d'accès à Internet


Texte de Sumaya Flores-Bonin
Puel Gilles, « Géographie des lieux d'accès à Internet. Les conditions de l'accès public et les modèles d'usages dans les grandes villes de Chine », L'Espace géographique, 2009/1 Vol. 38, p. 17-29.

Gilles Puel est géographe au département de Sciences économiques et Gestion de l’Université de Toulouse II-Le Mirail. Il se penche particulièrement sur les questions liant la technologie et les territoires. Cette question est au cœur de l’article « Géographie des lieux d'accès à Internet. Les conditions de l'accès public et les modèles d'usages dans les grandes villes de Chine ». En effet, dans son texte, Puel fait d’abord une mise en contexte de l’utilisation d’internet en Chine, dirige ensuite le lecteur vers le phénomène des cybercafés puis en explique la réglementation à laquelle les propriétaires doivent se plier, toujours en gardant en tête qu’à cause de la grande superficie du pays, les réglementations sont plus ou moins respectées ou renforcées selon les régions. 



L’auteur présente Internet comme étant une technologie utilisée plutôt dans les régions urbaines de la Chine et qui a connu un boom assez considérable en quelques années seulement. Par exemple, l’année 2007 a été témoin d’une explosion du nombre d’utilisateurs d’Internet, soit 53%, ce qui représente cent nouveaux utilisateurs à la minute. À la fin de 2007, la Chine était désormais le pays ayant le plus grand nombre d’internautes. Cette augmentation d’usagers causa entre autres une émergence parallèle du nombre de cybercafés; comme seulement un cinquième de la population possède un ordinateur à domicile (50% dans les grandes villes), les cybercafés sont devenus extrêmement populaires auprès des Chinois. L’intérêt grandissant qu’ils ont pour Internet est cependant vu d’un mauvais œil par le Parti communiste chinois; son arrivée dans la vie des Chinois pousse le PCC à prendre des mesures pour contrôler l’usage qu’ils en font. Cependant, il n’y a pas que le relai d’informations jugées dissidentes qui inquiète les dirigeants du PCC. Étant donné que le profil de l’internaute moyen, en Chine, correspond à un homme célibataire, étudiant de moins d’une trentaine d’années, il est donc accompagné de l’émergence d’un phénomène grandissant, la dépendance aux jeux en ligne. Cela inquiète beaucoup le PCC qui craint pour la jeunesse chinoise, car dans certains cas, la dépendance mène les joueurs à même aller jusqu’à oublier de se nourrir, de dormir, de se présenter au travail et dans quelques cas exceptionnels, peut même aller jusqu’à la mort. Le gouvernement a donc eu recours à des mesures pour contrôler le temps d’utilisation des internautes, notamment en interdisant l’ouverture des cybercafés après minuit ou encore en implantant des systèmes qui coupent automatiquement les connexions internet après quatre heures d’utilisation continue. 

L’enquête sur laquelle s’est basé Puel pour écrire son article a été réalisée sur cinq métropoles chinoises, soient Beijing, Tianjin, Dalian, Chongqing et Shanghai. L’auteur prend la ville de Dalian comme exemple, car elle « représente le parfait modèle dynamique à l’œuvre ». À l’aide d’une carte, on y présente les trois zones d’enquête, nommées quartier central, quartier universitaire et résidentiel. On démontre que selon les différentes zones, la clientèle visée n’est pas la même et que cela se reflète jusque dans l’aménagement des cybercafés et même jusque dans le niveau de surveillance auquel sont soumis ces établissements ainsi que leurs clients. Par exemple, le quartier central ne contient pas beaucoup de cybercafés; cependant, il y a présence de plusieurs cafés Starbucks et autres cafés chics qui offrent une connexion Wi-Fi gratuite aux clients qui apportent leur portable; comme les gens fréquentant ce quartier sont plus aisés financièrement que les clients des autres zones ou bien qu’il s’agit d’étrangers, ce service répond bien à la demande. Comme ce type de café n’est pas considéré comme un cybercafé, la réglementation usuelle ne s’y applique pas. Ce n’est pas le cas des deux autres zones, fréquentées respectivement par des familles et des étudiants comme le nom de leur zone l’indique, qui sont toujours surveillées par l’État. 

La Chine tente du mieux qu’elle peut de contrôler l’utilisation que ses habitants font d’internet. En 2007, le gouvernement émit une loi qui interdit l’ouverture de nouveaux cybercafés : si on ne prend que la province du Henan, le département de l’Industrie et du Commerce affirme entre autres avoir fermé 1068 établissements illégaux en cinq mois. L’industrie des cybercafés clandestins est florissante et réussit du mieux qu’elle peut à contourner les règlements du gouvernement pour offrir à ses clients un semblant de totale liberté. Cet article est très intéressant et pertinent, car on peut y lire les différentes méthodes qu’emploie le PCC pour tenter d’avoir mainmise sur presque tous les aspects de la vie des Chinois, allant même jusqu’à contrôler comment ils utilisent leur temps libre. Peut-être n’est-il pas si libre que cela après tout…

Aucun commentaire: