lundi 3 décembre 2012

« Blogging Alone: China, The Internet, and the Democratic Illusion? »

Texte de Thierry Parizeault

Leibold, James. (2011). « Blogging Alone:  China, The Internet, and the Democratic Illusion?», Journal of Asian Studies, pp. 1023-1041.

James Leibold est professeur à la « Faculty of Humanities and Social Sciences » de l’université de Melbourne en Australie. Il détient un baccalauréat en étude est-asiatique (université Witterberg), une maîtrise dans le même domaine (université de Washington) ainsi qu’un doctorat en histoire chinoise de l’université de Californie du Sud. Son champ de recherche s’oriente essentiellement sur les rôles de l’ethnicité, la race ainsi que l’identité nationale à travers l’histoire de la Chine, mais aussi au sein de la société chinoise contemporaine. Cet article de Leibold est un des rares où il traite de l’internet en Chine. Cette étude, où l’auteur s’appuie sur un grand nombre d’articles et de recherches de ses pairs, se penche sur les tendances et comportements des internautes chinois et dans quelle mesure le monde numérique met en place de nouvelles formes d’activisme et change la nature des rapports entre l’État et la population.

La communauté d’internautes en Chine est la plus grande qui existe à ce jour avec près de 500 millions d’utilisateurs. Lorsque nous parlons de l’internet en Chine, le débat entre le nouvel activisme chinois et les efforts du Parti pour contrôler cette nouvelle révolution numérique revient très souvent. Ce débat nous amène à nous demander en quoi cette dite révolution de l’information transforme l’identité de la société chinoise, mais aussi de quelle manière et dans quelle optique les différents acteurs qui la compose utilisent ce nouvel espace. Les nouveaux médias numériques permettent aux internautes d’interagir et de discuter sur un grand nombre de sujets. Les impacts qui en découlent diffèrent d’un auteur à l’autre. Alors que certains voient leur arrivée d’un oeil favorable et optimiste (révolution des communications, plateforme de débat publique et échange d’information de la base vers le sommet, etc.), Leibold trouve que ces conclusions peuvent être quelque peu prématurées. Avant de pouvoir dire que l’internet et les médias numériques transforment véritablement les relations entre l’État et la population, l’auteur croit qu’il faut d’abord prendre le temps d’explorer la façon dont ces nouvelles technologies regroupent et divisent à la fois les internautes et comment cela change la manière dont l’engagement social et politique se pratique au sein de la société.


Un certain nombre d’auteurs et de chercheurs, principalement en Occident, mettent l’accent sur la capacité des blogueurs à surveiller et influencer les actions de l’État. Plusieurs évènements comme la crise du SRAS en 2002 ou le meurtre de l’étudiant Sun Zhigang en 2003 montrent le nouveau rapport de force qui s’établit progressivement entre ces deux acteurs de la société chinoise. À mesure que le cyberespace chinois se développe et devient, en quelque sorte, plus mature, il sera intéressant de voir, comme le souligne Rebecca MacKinnon en 2005, si cette nouvelle façon de penser, discuter et de débattre des affaires publiques avec l’utilisation des nouveaux médias permettra à la nouvelle génération de s’affranchir des anciennes formes d’activisme. Toutefois, le contenu politique et les nouvelles plus « sensibles » ne sont, à ce jour, qu’une petite partie de l’activité globale que l’on retrouve au sein de l’internet en Chine et il ne faut donc pas exagérer l’impact de cette révolution de l’information, sans pour autant la négliger entièrement. De plus, il ne faut pas oublier que cette ouverture des médias, qui appelle à une plus grande liberté d’expression, ne favorisera pas nécessairement la démocratisation tant « attendue » de la Chine.

Bien que l’optimisme que nous voulons attribuer à cette révolution de l’information ne soit pas sans fondement, plusieurs auteurs croient que la prolifération de mouvements sociaux, que nous voyons apparaître avec la venue de ces nouvelles technologies, peut être néfaste pour la cohésion sociale. Il est difficile de séparer le bon grain de l’ivraie avec la quantité et la diversité d’information que l’on retrouve sur l’internet puisque rumeurs et désinformation y sont légion. De plus, la personnalisation de l’information qui se fait de plus en plus importante amène plusieurs problèmes, car elle tend scinder et fragmenter le débat. Parfois, le débat n’a même pas lieu, car les individus ont tendance à se regrouper selon leurs idées, convictions et point de vue ce qui fait que chacun est en accord avec l’autre sans qu’il y ait discussion quant à la véracité et la pertinence de ces informations. Les médias numériques, plus particulièrement le blogue, deviennent une sorte de communauté fermée où une hiérarchie définit les rapports entre utilisateurs (administrateurs, modérateurs, chroniqueurs, etc.) en plus de réglementer de manière stricte l’information qui y est présentée afin qu’elle s’inscrive dans la ligne directrice de cette communauté.

L’internet joue donc un rôle non négligeable dans les transformations que connait la société chinoise à l’heure actuelle, mais comme le mentionne James Leibold, ces changements ne sont pas encore tout à fait clairs et il reste encore plusieurs éléments à identifier et cerner avant de bien comprendre la dynamique des rapports qu’elles affectent, principalement ceux entre l’État et la population qu’elle dessert. Pour l’instant, des changements positifs ont été observés et cela est, dans une certaine mesure, encourageant pour la suite des évènements, mais il faudra porter une attention particulière à la manière dont cet activisme, que l’on retrouve sur le cyberespace, prendra réellement forme et aussi, ne pas oublier l’État qui aura, une fois de plus, son mot à dire avant que l’on connaissance le fin fond de cette histoire.

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