lundi 3 décembre 2012

Géographie des lieux d’accès à Internet

Texte de Vincent Dubuc-Valentine

Gilles Puel, « Géographie des lieux d’accès à Internet, les conditions de l’accès public et les modèles d’usages dans les grandes villes de Chine », Belin, L’espace géographie, 2009/1, Vol. 38, pages 17 à 29.

Gilles Puel est géographe à l’Université de Toulouse II-Le mirail ; laboratoire d’études et de recherches sur l’économie, les politiques et les systèmes sociaux. Ses études et travaux se situent à l’interface techniques/territoires/politiques publiques.

L’article de Gilles Puel nous informe sur la construction de cybercafés et ses dynamiques sociales en Chine. L’auteur se base sur trois études de types empiriques sur cinq métropoles (Pékin, Tianjin, Shanghai, Dalian et Chongqing). Ces trois études, comme nous allons le voir, portent sur comment se fait l’articulation des politiques de régulation des cybercafés par le gouvernement chinois par rapport au « jeu » des acteurs locaux, qui eux modèlent le marché des cybercafés. Les différentes manières de gérer l’espace des cybercafés par des acteurs locaux créent un espace « socio-spatial » qui forge et met en place une géographie urbaine de cybercafés. De plus, cette étude nous montre comment les usagers de ces cafés forment la construction de cet « écosystème ». De nouveaux quartiers formés de cybercafés font donc leur apparition. Pour ce faire, l’auteur va, entre autres, utiliser des revues scientifiques et des travaux qui ont été faits sur le sujet ainsi que des rapports de la CNNIC. Cette dernière est une agence gouvernementale qui dépend du ministère de l’Information qui,  tous les six mois, sort un rapport statistique sur l’Internet en Chine. Depuis 1998, le gouvernement central tente donc de stabiliser la jeune industrie de cybercafés en cherchant à  réglementant l’établissement de cafés Internet. Cette politique rencontre d’ailleurs de vives résistances.


La première étude porte donc sur l’établissement des « Starbucks » à Pékin. La deuxième étude porte sur la dynamique des cybercafés dans onze quartiers des cinq métropoles mentionnées précédemment. La troisième étude porte sur les jeux des acteurs locaux dans l’établissement de cybercafés créant ainsi une dynamique internaute urbaine. Le contexte d’Internet en Chine est très délicat, elle comporte plus de 210 millions d’utilisateurs en 2008. Elle devient d’ailleurs le pays ayant le plus grand nombre d’internautes en 2007. C’est cet essor d’internautes qui permet donc le développement de plusieurs « cafés » Internet et c’est dans cette optique que le gouvernement chinois tente de contrôler ce développement selon des objectifs économiques et sociaux. Cependant, les politiques de contrôle de ces cafés par le gouvernement concourent à la concentration de cette industrie et par le fait même à sa marginalisation dans ses petites structures, autrement dit du le point de vue « local ».

L’Internet est donc un phénomène urbain concentré sur la Chine orientale en développement. Pékin, Shanghai et la province de Guangdong sont les chefs de file dans le développement de l’Internet. Par la suite, l’auteur nous informe sur les « usagers » des cafés qui sont généralement de sexe masculin à 55%, urbain à 77%, jeune et éduqué (77% ont moins de 30 ans et 13% ont plus de 40 ans). Une des raisons principales du développement de ces cafés réside dans le fait que les Chinois ont très rarement un équipement informatique adéquat à domicile ou une connection Internet fiable. Pour garder une vive concurrence, les cybercafés investissent beaucoup dans le renouvellement de leurs équipements informatiques. Les principales raisons de l’usage de l’Internet sont les jeux en ligne, la recherche d’information et l’interaction sociale.

La deuxième partie de l’article porte sur la réglementation des cybercafés. L’auteur nous informe sur les politiques du gouvernement chinois pour réglementer les cafés comme par exemple des couvre-feux (les cafés doivent fermer à minuit), des systèmes informatiques de surveillance, après quatre heures d’utilisation on ferme la connexion Internet, etc. En fait, les lois et les règlements couvrent quatre catégories soit la gérance de l’Internet à l’internationale, les contenus, l’accès public et pour finir le crime issu de l’Internet. La régulation de l’Internet en Chine est marquée par une double complexité organisationnelle et territoriale. En fait, les politiques de régulation doivent s’articuler à l’échelle nationale et locale dans lesquelles les bureaux municipaux mènent souvent leurs propres politiques. Le but du gouvernement est en fait de contrôler la construction du marché national, de contrôler les usagers par un contrôle des lieux, des machines, de l’information et des hommes. L’État a donc engagé un contrôle technique du réseau.

Dans un troisième temps, l’auteur nous parle de l’établissement de différents types de cybercafés dans divers quartiers. Il y a plusieurs types de cyberscafés visités par différentes classes sociales. Il y a le café « Starbucks », des cafés « chics », les cybercafés de proximité, les multiservices, les communautaires et les alternatifs. Tous ces cafés sont visés par une clientèle différente et se retrouvent donc dans des quartiers différents. Le parfait exemple comme l’auteur nous le souligne est la ville de Dalian, son emplacement géographique et son organisation spatiale étant plus propice au développement de cybercafés.

Pour conclure, les cybercafés sont un endroit où aller entre le bureau et la maison et où les interactions peuvent être professionnelles, privées, ininterrompues ou simultanées. C’est un fort symbole de la « American way of life ». Il sera intéressant de voir comment le gouvernement chinois gérera l’établissement de ces cafés, d’autant plus qu’on remarque l’établissement de plusieurs cybercafés clandestins ou semi-clandestins opérant sans licence et donc de manière illégale. On sait que l’Internet pénètre de plus en plus le marché chinois. L’Internet est un outil indispensable au XXIe siècle et il sera intéressant de voir comment le gouvernement chinois pourra réglementer l’utilisation des cybercafés à travers toute la Chine.

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