jeudi 6 décembre 2012

Géographie des lieux d’accès à Internet


Gilles Puel, « Géographie des lieux d’accès à Internet, les conditions de l’accès public et les modèles d’usages dans les grandes villes de Chine », Belin, L’espace géographie, 2009/1, Vol. 38. 
Texte de Véronique Forest-Marchand.

Gilles Puel est géographe au Département de Sciences économiques et de Gestion, à l’Université de Toulouse le Mirail. Il travaille également au sein du Groupement de Recherche Économique et Sociales (GRES) ainsi qu’au Laboratoire d’Études et de Recherches sur l’Économie, les Politiques et les Systèmes Sociaux (LEREPS). 

Dans son article, Gilles Puel se base sur plusieurs études concernant le développement et la gestion des cybercafés chinois, afin de mieux comprendre l’impact social, politique et économique des cafés internet en Chine. En Chine, pays qui compte le plus grand nombre d’internautes au monde depuis fin 2007, mais où la censure gouvernementale de la «toile» est encore très vive, les cafés internet sont des lieux de prédilection pour naviguer sur le web. Puel explique que cela est du en grande partie au fait qu’assez peu de chinois possèdent l’équipement nécessaire pour se connecter efficacement à la maison. En effet, environ un chinois sur cinq possède un ordinateur tandis que les cafés internet investissent beaucoup dans la qualité et la nouveauté de leur matériel informatique, afin d’attirer et de conserver leur clientèle. 



L’essor des cafés internet en chine est fulgurant et les réglementations les entourant échappent parfois au gouvernement central, qui cherche à protéger ses intérêts et se montre trop restrictif et contrôlant… mais qui n’est en aucun cas omniscient. Les tensions et rivalités politiques et économiques entre les différentes régions de la Chine ressurgissent inévitablement dans cette analyse de l’essor de la construction de cybercafés en Chine. En devenant des entreprises commerciales dont la réglementation est de plus en plus exercée par le pouvoir local, le développement des cybercafés forcent l’État chinois à négocier avec les internautes, les fournisseurs de services internet et les investisseurs des localités. L’auteur s’intéresse donc à l’évolution de ce phénomène social, essentiellement urbain. Celui-ci prend de plus en plus d’ampleur, notamment dans les cinq grandes métropoles chinoises que sont Pékin, Shanghai, Tianjin, Dalian et Chongqing,  et où furent menées les études sur lesquelles Puel s’appuie. Dalian serait l’exemple parfait de ce dynamisme des cybercafés.

Puel fait remarquer que le développement intense des cybercafés dans plusieurs grandes villes de chine a abouti à la création de nouveaux espaces urbains, formant parfois même de nouveaux cartiers. Le style architectural, le niveau de surveillance et l’accès changent selon qu’il s’agisse d’un café internet d’un cartier d’affaires au cœur d’une grande ville ou d’un cartier étudiant (lesquels sont généralement plus surveillés). Véritable phénomène social en progression, les cafés internet sont des lieux de rencontre professionnel ou personnel. Ils sont fréquentés surtout par de jeunes hommes célibataires de moins de trente ans, ceux-ci constituant plus de la moitié des internautes en Chine.  Le jeu en ligne est une des activités les plus populaires chez ces jeunes internautes chinois et mène parfois à des dépendances. Le Parti communiste chinois a mis en place des mesures pour limiter les heures que ces jeunes internautes passent sur les jeux en ligne, dans la plupart des cybercafés enregistrés. Par exemple, certains systèmes informatiques font en sorte qu’après 3 heures consécutives de jeu, l’utilisateur voit sa maitrise du jeu diminuer et son personnage devenir moins réactif à ses commandes. Après 5 heures de jeux en ligne, la connexion internet s’interrompt. De plus, les cybercafés sont généralement tenus de fermer avant minuit.

Le contrôle gouvernemental accru des cafés internet a entrainé l’émergence de cafés internet illicites,  qui ouvrent  leurs portes aux clients sans détenir le permis exigé du Parti communiste chinois. Ces cafés internet clandestins offrent un sentiment de liberté aux internautes. De plus, les cafés « Starbucks», où on offre une connexion Wifi aux clients qui y apportent leurs ordinateurs, ne sont pas considérées comme des cybercafés en tant que tel et ne sont donc pas soumis aux réglementations de l’État.

Cet article est très clair et bien construit. Sa lecture est incontournable pour bien comprendre l’essentiel des dynamiques entourant le développement d’internet et plus particulièrement des cafés internet en Chine.

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