mardi 4 décembre 2012

China’s « Networked Authoritarianism »


China’s « Networked Authoritarianism »

Billet de Jérémie Deschênes

MACKINNON, Rebecca. « China’s « Networked Authoritarianism »», Baltimore, Johns Hopkins University Press, Journal of Démocracy, vol 22., 2011, pp.32-46 

Activement impliquée dans plusieurs mouvements prônant la liberté de presse dans le monde, Rebecca MacKinnon est co-fondatrice du projet à but non lucratif Global Voices Online destiné à faciliter l’échange d’informations entre les « blogueurs » et les sources médiatiques traditionnelles. Ayant travaillé comme chef du bureau de CNN à Beijing et Tokyo, elle maîtrise parfaitement le dossier des problématiques liées à la censure et à la manipulation de l’information en Chine. Le texte China’s « Networked Authoritarianism » est la version écrite d’un exposé offert devant le U.S. Congressional Executive Comission on China en mars 2010. 

Ce texte revêt un rôle principalement iconoclaste puisqu’il tend à contredire la croyance commune corrélant démocratisation politique et démocratisation des moyens technologiques de communications ( internet, mobiles...). Tout en entérinant les facettes émancipatrices de l’internet, MacKinnon tente de démontrer que la Chine participe actuellement à l’élaboration d’un archétype de contrôle social via l’élargissement populaire de ses plates-formes technologiques. En effet, le PCC ainsi que d’autres gouvernements autoritaires instaureraient en ce moment des techniques avancées de censures, surveillances et législations afin d’encadrer l’utilisation du web à leur propre avantage. Au-delà des simples préoccupations liées à la censure du contenu, l’auteur place les législations encadrant le marché des télécommunications et des services internet comme la clé de voûte du développement démocratique des médias de masse.



La Chine met présentement en place un modèle que l’auteur qualifie de « networked authoritrianism » afin d’encourager l’ascension de la Chine dans le siècle de l’internet tout en évitant ses effets néfastes sur le parti unique. Utilisant la stratégie du « loup déguisé en agneau », le PCC redorerait son image publique en établissant un fragile équilibre entre censure, manipulation et liberté de parole. Au travers d’un contrôle omniprésent mais discret, le parti unique permettrait au web de remplir un rôle social bénéfique tout en restant dans les bornes dictées par le parti. Ainsi, l'expansion des zones couvertes par les technologies d’informations et de communication ( TIC ) ne constituerait pas une garantie de l'élargissement du pouvoir populaire, bien au contraire.

Le gouvernement favoriserait, sous certaines conditions, le développement d’un « activisme critique» au niveau local, lui permettant ainsi de se positionner en justicier dans une multitude de litiges bénins. L’ouverture du PCC face à ce type de revendications s’accompagnerait cependant d’un renforcement des sanctions imposées à un « activisme politique» ne correspondant pas au barème des « discussions populaires» autorisées par l’État. La création d’une illusion d’ouverture sur les politiques publiques au travers de certaines sphères du cyberespace (1) favoriserait donc la stabilité, voire la légitimité du pouvoir autoritaire. 

Le Great firewall of China a pour sa part été créé afin de contrer l’influence de la sphère extraterritoriale et potentiellement subversive du cyberespace. Ce système de contrôle permettrait ainsi au gouvernement d’établir la prédominance des zones soumises aux critères étatiques comme bases de l’opinion publique. Le contrôle des sites internet privés représente cependant un défi organisationnel de taille pour l’État chinois. La régulation de ce secteur est effectuée selon un modèle que l’auteur définit comme étant à l’image d’une infrastructure hydroélectrique : un système souple possédant des modes de gestions quotidiens combinés à une multitude de plans d’urgences pouvant être adaptés spontanément aux crises du moment. Dans cette métaphore l’internet possède, à l’image de l’eau, un rôle à la fois vital et destructeur... Dans cet univers ou rien n’est laissé au hasard, la coopération des entreprises représente la pierre angulaire permettant le maintien de l'infrastructure nationale. 

Ainsi, au travers d’une multitude de stratégies (2) permettant une mainmise de l’État sur le cyberespace, le PCC encourage la création d’une illusion démocratique contrebalancée par une législation de plus en plus contraignante envers les opposants au régime. L’imposition de standards légaux, la normalisation des critères de recherches ainsi que l’utilisation d’un filtre contraignant permettent au Parti communiste de contenir le potentiel révolutionnaire du web. Ces structures combinées à une responsabilisation accrue des entreprises favorisent, selon l’auteur, la formation d’un modèle extrêmement efficace de contrôle social destiné à être reproduit.     


(1)Décrites comme étant: 
1-  Espaces de propagande officielle : espaces créés par gouvernement
2-  Espaces commerciaux régulés par le gouvernement: sujets aux régulations mais privés
3- Espaces civiques émergents: plates-formes non gouvernementales & non-commerciales sujettes à un contrôle restreint de la part du gouvernement. 

(2) Énumération:
1- Cyber-attaques: Attaques ciblées
2- Dispositifs de contrôle: Puces et programmes installés dans les ordinateurs
3-Contrôle des noms de domaines: Strictes restrictions des domaines arborant le qualificatif .cn
4- Déconnexions localisées & restrictions: Restriction de l’accès de façon spatiale et temporel afin d’éviter l’organisation de cellules de contestation. 
5-Surveillance: Surveillance classique avec nécessité d’identification personnelle et surveillance des compagnies qui se retrouvent responsables du contenu se trouvant sur leurs sites.  
6-Manipulation des blogues : « Blogueurs » embauchés par l’État et payés pour soutenir la ligne officielle du PCC dans les discussions en ligne.  


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