lundi 3 décembre 2012

Internet Technologies in China

Kirsten E. Martin, “Internet Technologies in China: Insights on the Morally Important Influence of Managers”, Journal of Business Ethics, Vol. 83, No. 3 (Décembre 2008), pages 489-501

Texte par Catherine Gauthier

    Kirsten E. Martin est présentement assistante professeure de gestion stratégique et politique publique à The George Washington University School of Business. Elle a fait sa maitrise et son doctorat au Darden School of Business de l’Université de Virginie et se spécialise entre autre en éthique des affaires et s’intéresse aux technologies.

    Dans l’article Internet Technologies in China: Insights on the Morally Important Influence of Managers, elle analyse les questions de l’éthique et du pouvoir de la morale sur la technologie et l’influence que les gestionnaires et les développeurs ont sur son développement et son impact. Elle se base sur les recherches menées par d’autres spécialistes en Science and Technology Studies, à laquelle elle ajoute ses perspectives de spécialiste en éthique des affaires, pour développer son argumentation. Martin affirme que la technologie est sensible au temps, c'est-à-dire au processus de développement et aux phases du cycle de création d’une technologie, et au type, soit les attributs et la catégorie de technologie innovée. Ces deux facteurs influencent et sont influencés par les réalités humaines, soit d’ordre moral ou d’intérêts personnels, par l’idée de profit et les motivations à créer et distribuer une invention. 

     Le facteur temporel est présenté avec l’exemple de la compagnie américaine Cisco, qui est pointée du doigt pour être fournisseur de routeurs utilisés par le gouvernement chinois à des fins de contrôle et de limite de l’Internet en Chine. Le conseil administratif de Cisco se défend en affirmant que « le travail du design et du déploiement [d’une technologie] ne comprend pas le jugement des valeurs »(492) et qu’elle ne voit « aucune responsabilité dans l’utilisation»(492) de ses produits. En d’autres mots, Cisco est responsable de la création des routeurs mais pas de la façon dont ses acheteurs en disposent. Certains affirment qu’une certaine morale devrait être prise en compte dès les débuts de la conception et que celle-ci doit continuer à s’appliquer à chaque phase, ou du moins évoluer dans le même sens, afin que la technologie qui en sera issue soit utilisée moralement selon ses desseins initiaux. Selon cette perception, on peut donc déduire que si Cisco avait dès le départ créé les routeurs en visant une certaine utilisation allant dans le sens moral et comme suivant une certaine éthique, ils ne seraient pas fournisseurs de la Chine parce que leur éthique  de compagnie irait à l’encontre des politiques rigoureuses du gouvernement chinois.  De plus, plusieurs s’entendent pour dire qu’une fois la technologie sur le marché et assimilée, il est plus difficile de tenter d’en changer la morale, d’où l’importance de l’appliquer plus tôt dans le temps. Il serait donc trop tard pour Cisco pour faire marche arrière sur ses routeurs en Chine car la technologie a été créée sans visée éthique.

    L’auteure explique que le type de technologie et la teneur morale de celle-ci est influencée, comme par le temps, par le type et la catégorie dans laquelle la technologie se classe et le lot de valeurs éthiques et morales qui s’y attachent.  Cette façon de voir apporte toutefois une certaine limite par rapport à l’endroit où elle est distribuée. En effet, différentes innovations amènent à la « création de nouvelles et différentes questions éthiques » (493), et l’interprétation de cette éthique diffère d’un endroit à l’autre. Afin d’illustrer ce point, Martin souligne le cas du produit adhésif Resistol, une colle qui semble des plus anodines comme technologie. Pourtant, la façon dont elle est perçue aux États-Unis diffère au Honduras, où elle a causé plusieurs problèmes auprès d’enfants qui inhalait les vapeurs de colle. Cisco, de son côté, explique qu’elle développe un outil et qu’elle « vend le même équipement à la Chine que partout ailleurs » (493), soutenant qu’elle n’est pas responsable de son usage. En fait, l’usage et les responsabilités reliés à une nouvelle technologie ne sont plus du ressort de la compagnie qui l’a créée mais la responsabilité de sa communauté d’accueil « puisqu’elle fonctionne bien ailleurs » (493). Certains vont jusqu’à dire que taper sur les compagnies qui permettent ce genre d’abus de technologies en Chine est absurde et que la « Chine est ce que la Chine est et si les compagnies de technologies quittent, ça ne changera pas » (492). Martin explique que plutôt que d’empêcher les compagnies américaines de vendre à la Chine, certains croient au contraire que l’Internet est « une pièce dans un système beaucoup plus grand » (497) et qu’en fait, les technologies américaines peuvent en fait avoir un impact positif sur les utilisateurs chinois.

    Elle conclut que « d’ignorer l’apport moral de la technologie ne rend pas le tout amoral » (499), mais plutôt que l’éthique est mal utilisée/appliquée et que les conséquences de ce désintérêt pour la morale des leaders dans le monde de la technologie est plutôt évidente aux vues des études de la Science and Technology Studies. Plutôt technique, l’article de Martin est relié au cours de par son questionnement sur la morale de la technologie via l’exemple des routeurs américains en Chine et de leur usage amoral.

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