mercredi 28 novembre 2012

Pourquoi Internet ne démocratisera pas la Chine


Par Fabrice Tô
Hughes Christopher R., « Pourquoi Internet ne démocratisera pas la Chine », Critique internationale, 2002/2 no 15, p. 85-104.

Le professeur Christopher R. Hughes enseigne la politique internationale à la London School of Economics and Political Science. Il se spécialise dans les relations internationales de la région de l’Asie et, plus particulièrement, de la politique étrangère de la Chine.

Pour commencer, l’auteur explique en quoi l’adhésion à l’Organisme Mondial du Commerce va changer le paysage technologique de la Chine et apporter un semblant de démocratie. En effet, la Chine doit désormais accorder aux fournisseurs de services des autres membres de l’OMC un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qu’elle accorde aux siens. Cela permet donc à la concurrence étrangère de s’installer en Chine. Cependant, l’auteur explique clairement que le tout n’est que de la poudre aux yeux puisque le gouvernement peut limiter les entreprises étrangères en prétextant la protection du consommateur chinois, ce qu’il ne se gênera pas de faire. Il va même aller jusqu’à rendre les fournisseurs d’accès Internet responsable de la surveillance des contenus passant par leurs serveurs, ce qui démontre un contrôle important de l’État sur l‘activité en ligne. On arrête aussi les gens pour « perturbation de la stabilité sociale ». Les organismes mondiaux sont totalement impuissants face aux politiques intérieures et les entreprises étrangères ne dénoncent pas ses pratiques car elles ont peur de perdre leur entrée en Chine, même si elles sont obligées de travailler en partenariat avec des entreprises locales contrôlées par l’État chinois. D’ailleurs, les plus grandes compagnies de télécommunication sont tous sous le contrôle d’au moins un membre du Parti Communiste chinois, ce qui lie directement les entreprises dîtes « privée » chinoise avec l’État. On voit aussi que le système de Guanxi s’installe même dans les télécommunications puisqu’il est important pour une entreprise qui veut percer en Chine d’avoir de bonnes relations avec le Parti Communiste chinois. 



De plus, on utilise beaucoup l’expertise étrangère, particulièrement celle des États-Unis, pour construire une « architecture de surveillance » d’Internet dont le but est d’intégrer une gigantesque base de données à un réseau de surveillance dirigé par l’État. Les compagnies, attirées par des contrats lucratifs du gouvernement chinois ou des provinces, ne voient pas nécessairement quelque chose de différent avec cette utilisation d’Internet que la récolte de données qu’un logiciel de Microsoft va envoyer à la compagnie à l’insu de l’utilisateur à des fins commerciales, par exemple. 

L’auteur explique de façon très concise pourquoi il est convaincu que le seul facteur qui pourrait forcer la communauté internationale à obliger la Chine à exercer plus de démocratie pourrait être de nature militaire ou antiterroriste, étant donné le fait que la question sécuritaire touche beaucoup plus la communauté internationale que la violation des droits de l’homme. 

Bref, l’auteur est convaincu que l’accès à Internet, extrêmement régulé en Chine, n’apporte pas une réelle démocratisation, bien qu’elle laisse effectivement les Chinois s’exprimer sur quelques sujets, puisque le cyberespace est beaucoup trop régulé tant par l’architecture provenant de l’étranger des fournisseurs Internet, comme par les entreprises quasi-étatiques qui ont la mainmise sur la diffusion dans le pays.

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