lundi 26 novembre 2012

« Internet, nouveau territoire de lutte pour les opposants politiques en exil »


Texte de Gabrielle Renault

Egré, Pascale « Internet, nouveau territoire de lutte pour les opposants politiques en exil. »  migrants.com.

          Pascale Egré est journaliste-reporter au quotidien le Parisien. Domiciliée en France, elle se spécialise dans les questions de société et des migrations. Son article, «Internet, nouveau territoire de lutte pour les opposants politiques en exil», retrace le parcours de trois dissidents politiques dont Internet a changé la vie. L’auteure nous présente donc trois témoignages, par lesquels nous pouvons comprendre ce que l’outil de communication qu’est Internet peut apporter à la lutte qu’ils mènent, ainsi que les bémols qui ressortent de leur expérience sur le Net.

          Selon Egré, Internet constitue un « outil majeur de circulation de l’information et de liberté d’expression […] qui s’offre comme un nouveau territoire d’affrontement politique et civique, qui se poursuit tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières.» Il fournit ainsi une tribune à des exilés politiques, et leur fournit un réseau de contacts et de données. Mais si Internet offre de puissants moyens de diffusion et de coordination, il ne faut pas oublier qu’il est bien souvent sous le contrôle, ou du moins la surveillance, de l’État.


          Le premier témoignage est celui d’Imen Derouiche, une étudiante tunisienne qui fut emprisonnée, violée et torturée, et qui s’est servie d’Internet pour partager son histoire et militer pour les droits de l’homme. Elle raconte que selon elle, l’apport le plus important d’Internet était de légitimer son action militante par rapport à la génération précédente, puisqu’elle devenait elle-même une source d’information. Elle ajoute que c’est grâce à Internet qu’elle a pu obtenir le support d’une large communauté mondiale qui, par sa solidarité à la cause de Derouiche, a forcé le gouvernement à lui accorder un passeport pour se rendre en Europe et faire une tournée de conférences contre la torture avec Amnesty-international. Le second témoignage, celui d’Abdel Nasser Ould Yessa, un militant mauritanien, va dans le même sens. Yessa affirme que c’est l’Internet qui a rendu son exil plus adouci, en lui offrant une fenêtre sur le monde. Mais si les deux dissidents politiques s’entendent pour dire que l’Internet est un outil de coordination et de propagation extraordinaire, il n’en sera peut-être pas ainsi pour toujours. En effet, l’auteure explique que la police politique des deux pays ne contrôle pas encore très bien le Net, mais que cela ne saurait tarder, et que les combines qu’emploient Derouiche et Yessa (codage, interfaces pirates, etc…) ne seront bientôt plus suffisantes pour contourner la surveillance accrue de l’État.

          Le troisième témoignage est celui de l’exilé politique Cai Chongguo. Réfugié à Paris depuis plusieurs années, Cai décrit l’Internet comme étant une mine d’information lui permettant de savoir ce qui se passe dans son pays d’origine et de relayer ces informations et son analyse de celles-ci dans le monde entier. Mais le plus important, selon lui, c’est que l’Internet a renforcé son identité chinoise. Il explique : «Coupé de ce qui se passe là-bas, de ce que pensent les chinois ou de ce que fait le gouvernement chinois, je serais resté déraciné et l’aurais été de plus en plus.» Cependant, pour lui aussi, la censure du gouvernement sur l’Internet est un facteur dont il est difficile de faire abstraction. L’auteure explique que même si la Chine, contrairement à la plupart des régimes autoritaires, mène une politique d’ouverture à l’Internet, elle a parallèlement intensifié sa politique de répression sévère pour y assurer son contrôle. L’autocensure à laquelle poussent les contrôles constitue selon Cai une limite importante aux bienfaits de l’Internet.

          Ce texte, parce qu’il donne un point de vue nuancé sur l’utilisation de l’Internet, est très pertinent. L’auteure nous rappelle que même si l’Internet ouvre la porte à de nouvelles possibilités de communication et d’information, il ne faut pas négliger le travail et l’engagement direct sur le terrain au profit de travail virtuel. Elle explique aussi que cet outil aussi nouveau que formidable, bien qu’étant un espace ouvert à la liberté d’expression, n’est pas encore un véritable «levier de transformation à l’intérieur du pays», du moins pas pour un pays comme la Chine.

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