lundi 26 novembre 2012

« Chine : Internet, levier de puissance nationale »

« Chine : Internet, levier de puissance nationale »

Texte de Trinh Phan

ARSÈNE, Séverine. « Chine : Internet, levier de puissance nationale », Politique étrangère, 2012/2, Été, pp. 291-303.

Séverine Arsène est docteur en science politique de l’Institut d’études politique de Paris. Elle étudie les représentations de la modernité en fonction de l’utilisation des réseaux sociaux médiatiques, et plus précisément comment les réseaux sociaux en Chine sont utilisés comme moyens de protestations en ligne.

Le Quotidien du Peuple en juillet 2001 explique que « le degré de développement des technologies de l’information et des réseaux est […] un instrument important pour mesurer le niveau de modernisation d’un pays et sa puissance nationale globale » et où la Chine déclare son « retour parmi les grandes puissances » au moyen de l’Internet. L’Internet représente une stratégie de développement et d’affirmation nationale pour le pays, mais il est soumis au contrôle du gouvernement au moyen d’un contrôle sophistiqué pour défendre les intérêts politiques et économiques chinois.

En février 2010, Hillary Clinton dénonce la pratique du« rideau de fer électronique » sur Internet, où la Chine était désignée pour sa censure et pour ses piratages des comptes Google. En juin de la même année, la Chine publie son White Paper on the Internet in China,dans lequel le Parti affirme qu’il « encourage l’utilisation extensive d’Internet » (commerce en ligne, divertissement…) et qu’il « encourage la liberté d’expression et la ‘supervision’ du gouvernement par l’opinion publique ». Tous, citoyens chinois ou étrangers, « ont le droit le droit d’utiliser Internet », mais « doivent obéir aux lois et règlements de la Chine [pour] protéger consciencieusement la sécurité d’Internet » et « adopter un comportement ‘responsable’ ». Les internautes sont fortement « rappelés » que la puissance de la nation chinoise et l’autorité du Parti passent devant toute opinion publique.


Arsène explique que la montée des inégalités et de l’intensification des conflits sociaux en Chine sont dommageables pour la stabilité politique et du développement économique du pays. Il est alors nécessaire de « renvoyer les discours protestataires aux marges de l’espace public et [de] canaliser l’opinion publique en ligne » par les moyens d’intimidation, d’arrestations ou de fermetures des sites pour « préserver l’environnement numérique » afin de « construction d’une société harmonieuse ». Le régime insiste sur le fait que les conflits sociaux « sont toujours causés par des ‘forces extérieures’ hostiles à la Chine »(le dalaï-lama, le monde occidental et les États-Unis), où les discours de libertés sur Internet « sont hypocrites et instrumentalisés au service d’une stratégie d’affaiblissement de la Chine ». Censurer Internet est un mal nécessaire pour préserver la stabilité politique de la Chine.

Le contrôle de l’Internet sert aussi à défendre les intérêts de l’économique chinoise.Depuis l'adhésion de la Chine à l’OMC, les entreprises et les marques étrangères obtiennent le droit d’entrée dans le pays, ce qui pose une concurrence sérieuse pour les productions locales.La Chine développe alors un système de noms de domaines proprement chinois
(.中国, .公司, .网络), qui crée une sorte d’intranet qui isole le reste du monde en dehors du pays.L’enregistrement à ces noms de domaines est soumis à une régulation, où les entreprises étrangères qui désirent accéder au marché chinois sont obligées de s’y souscrire. Cette initiative de la Chine est considérée comme allant à l’encontre des principes de l’OMC, car elle pose une barrière fermant le marché chinois aux autres pays membres.

En résumé, Internet est utilisé comme un moyen d’affirmation de la Chine en tant qu’une nouvelle puissance mondiale moderne. Des mesures de contrôle appliquées par le gouvernement servent à préserver pragmatiquement les intérêts politique et économique de la Chine.La censure sert à maintenir une stabilité politique et le protectionniste répond aux besoins du développement vers une économie auto-suffisante que la Chine s’est posée comme vision après les élections du 18e Congrès du Parti communiste chinois. Internet garantit la promesse d’un style de vie plus moderne pour les Chinois, mais dans la condition qu’ils se soumettent aux règles de l’ordre public définies par le Parti.

La question de la préservation de l’ordre public représente une préoccupation centrale pour de nombreux gouvernements, ce dont pour lequel plusieurs pays démocratiques sont tentés d’adopter le même système de contrôle d’Internet mis au point par la Chine. Par exemple, la France et l’Australie disposent des systèmes de contrôle similaires contre la cybercriminalité et la contrefaçon. Pour les mêmes raisons, la Chine justifie son droit de disposer le même type de système, mais en plus sophistiqué et dont l’usage est étendu jusqu’à l’observation des règlementations de l’opinion publique d’une « société harmonieuse ».

Cet article d’Arsène permet de constater que les représentations de la modernité en Chine ne sont pas les mêmes que celles partagées en occident. La croissance vers la modernité peut être bénéfique, dans la mesure où elle offre aux populations la possibilité de jouir d’un style de vie plus moderne, mais peut aussi être néfaste lorsque l’opinion des internautes est sévèrement réprimée sous la justification de « construire une société harmonieuse ».

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