Texte par Catherine Gauthier
Daniel A. Bell. «The East Asian Challenge to Human Rights: Reflections
on an East West Dialogue », Human Rights Quarterly, Vol. 18, No. 3 (Aug.,
1996), pp. 641-667
Professeur
d’éthique et de philosophie politique ainsi que directeur du Centre de
Philosophie Politique Internationale et Comparée à l’Université Tsinghua à
Pékin, le montréalais d’origine Daniel A. Bell se décrit comme étant un
spécialiste philosophe confucéen. Le diplômé de McGill et Oxford présente dans The East Asian Challenge to Human
Rights : Reflections on an East West Dialogue une réflexion sur les
droits de l’homme en y comparant la perception occidentale à celle de l’Asie de
l’Est, comme le titre l’indique. L’auteur explique son point de vue sur les
approches Asie-Occident des droits de l’homme à l’aide de trois arguments :
(1) certaines situations justifient la violation d’un droit en particulier afin
de pallier à un problème économique, politique ou culturel ; (2) les traditions
de l’Asie de l’Est et de l’Occident sont différentes, mais la vision
‘internationale’ reconnue des droits de l’homme tient majoritairement compte de
la tradition libérale occidentale; (3) les traditions et la culture est-asiatique
étant différentes, les droits de l’homme tel qu’ils sont reconnus en Occident
peuvent être perçus comme des violations des droits dans la mentalité
asiatique, et vice-versa.
Bell se
base sur certains exemples dans la région est-asiatique pour expliquer que
certains droits doivent être oubliés un instant afin de régler notamment
certains problèmes urgents. Il cite par exemple le cas de Singapour dans les
années 60, qui a refusé le droit à un procès à des détenus soupçonnés d’être
révolutionnaires, afin de se protéger de la propagation du communisme chinois
en Asie. Ils ont peut-être ainsi prévenus une guerre civile entre Chinois et
Malais (646). L’auteur explique que
« les violations des droits ne sont pas offertes comme arguments pour la
répression » (647) lorsqu’elles sont appuyées par l’évidence d’un problème
social pressant que seule une violation d’un droit temporaire permet d’arriver
à une résolution. En quelque sorte, il soutient que la fin justifie les moyens,
tant que le droit est rétabli une fois le problème réglé.
Les
deuxième et troisième parties portent sur la culture et son rôle dans l’interprétation
des droits de l’homme. En seconde partie, l’auteur explique que certains asiatiques
perçoivent l’idée des ‘droits de l’homme’ comme une invention occidentale,
renforcée par le rôle des États-Unis sur la scène internationale dans la
seconde partie du 20ème siècle. Les américains se présentent comme
un modèle social et de respect des droits de l’homme, mais les traces qu’ils
laissent en Asie lors de la guerre du Vietnam, leur implication économique sur
le territoire ainsi que leurs propres problèmes à l’interne reliés à la drogue,
le crime et aux inégalités sociales « minent leur autorité morale en
Asie » (654).
Le
troisième argument suit un peu ce cours d’idée en opposant les valeurs
traditionnelles asiatiques à la culture occidentale dans leur intégration des
droits de l’homme. Bell cite en exemple le traitement des ainés. Dans la tradition
confucéenne de piété filiale, les enfants prennent soins de leurs parents car
il en va de leur devoir (665), certes, mais aussi parce que cela fait partie
intégrante de la culture asiatique, alors qu’en Occident, plusieurs aînés sont
envoyés dans des institutions, ce qui est perçu par les asiatiques comme
l’envoi d’un parent à « une mort solitaire et psychologiquement
douloureuse et est une violation d’un intérêt humain vital » (666).
L’auteur
conclut que la culture et la tradition jouent un rôle majeur dans
l’interprétation de ce qui est moral ou non au niveau des droits de l’homme, et
que l’idée générale dans l’institution de ces droits prend trop peu en compte
les valeurs asiatiques. Il ajoute que les droits de l’homme évoluent avec le
temps, et qu’afin d’en faire un ‘droit de l’homme universel’, l’ajout d’une perspective est-asiatique
pourrait être positive (667).
Cette étude
de Daniel A. Bell démontre brillamment que les valeurs et les traditions jouent
sur l’interprétation de ce qui est bien ou mal, même dans ce qui est
mondialement reconnu comme les droits de l’homme. Ces divergences d’opinions
entre les visions asiatiques et occidentales démontrent que les ‘valeurs
asiatiques’ font parties intégrantes de la culture et qu’elles continueront à s’opposer
aux valeurs apportés par l’Occident.
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