lundi 22 octobre 2012

Harmonie optimale, enrichissement mutuel et étrangéisation


Texte par Trinh Phan

SHEN, Vincent et Daniel Arapu. « Harmonisation optimale, enrichissement mutuel et étrangéisation », Diogèse, France, Presses universitaires de France, 2007, vol 4, n° 220, pp. 122-137.

Vincent Shen est le directeur de International Society for Chinese Philosophy et professeur du département des études est-asiatiques de l’Université de Toronto. Il se spécialise dans les études philosophiques chinoises, en particulier le confucianisme et le daoïsme, et fait aussi des études comparatives sur les aspects philosophiques des problèmes de technologie, de culture et de religion. Cet article représente la réflexion de l’auteur sur le programme politique de « construire une société harmonieuse » proposé par le président chinois Hu Jindao.
Ce programme de société harmonieuse sert surtout à atténuer la peur irrationnelle d’une « menace de la Chine sur le monde » dans le processus de la globalisation. Shen explique que ce « programme confucéen aux teintes daoïstes » a pour but de renforcer la cohésion sociale des individus afin d’y établir une harmonie optimale dynamique plutôt qu’une harmonie statistique (sous-entendant une domination politique). 
Pour Shen, l’harmonie optimale commence avec la régulation rituelle, soit la médiation et la régulation, qui régit les relations entre le gouvernement et la population. L’établissement d’une juste mesure dans l’extension de ces relations se fait grâce au principe de réciprocité. Une reconnaissance réciproque des différences existant entre deux entités va conduire à l’enrichissement mutuel de chacun. Cette reconnaissance se fait grâce à la stratégie d’étrangéisation, qui est de « sortir de soi et aller vers une pluralité des autres », c’est-à-dire apprendre à connaître et à accepter les différences entre les différentes populations et les différents pays. C’est ce « mode dynamique de l’harmonie » qui contribue à établir un dialogue possible entre chacun pour les conduire vers un enrichissement mutuel. Un enrichissement mutuel sous-entend une politique de générosité, où une entité donne ou se donne à l’autre sans demander de retour. 

Selon Shen, la politique de générosité par l’étrangéisation est l’outil qui permet d’affronter le défi de la globalisation du monde moderne. L’auteur croît la Chine capable de faire cette étrangéisation grâce à son dynamisme culturel, mais dans la condition qu’elle cesse de s’autojustifier ou d’utiliser son histoire et sa culture pour  excuser son comportement sur les questions de droits d’homme, d’engagement écologique ou de démocratie. Le pays ne deviendrait « réellement grand qu’en étant généreux envers son peuple et envers les autres peuples du monde. » 
De fait, comme Hu Jiandao, Shen tente aussi à travers cet article de mitiger la « peur irrationnelle » d’une « menace chinoise » dans le monde tout en reconnaissant que le pays n’est pas encore prêt présentement à « construire une société harmonieuse. » 
L’article de Shen soulève des questions sur l’agissement de la Chine dans le monde là où il y des intérêts commerciaux et pétroliers. Par exemple, la présence de la Chine en Afrique l’aide à son développement économique, mais qu’en sera-t-il demain? Le fait que la Chine fait parfois des prêts sans intérêts, voire carrément des dons en argent, soulève la méfiance du monde occidental. Est-ce que cette méfiance est fondée ou est-elle en fait qu’une « peur irrationnelle » ? La décennie présente ne nous permet pas de trouver des réponses, mais les suivantes peut-être.

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