lundi 22 octobre 2012

Asian Values and Democracy in South Korea


Texte de Sumaya Flores-Bonin

Park, Chong-min et Doh Chull Shin. « Do Asian Values Deter Popular Support for Democracy in South Korea? », Asian Survey, Vol 46, No 3 (Mai-Juin 2006), pp.341-361.

Les auteurs de cet article sont tous deux natifs de la Corée du Sud. Park Chong-min y est professeur au département d’administration publique de l’Université de Corée, à Séoul; son collègue Doh Chull Shin est lui aussi professeur, enseignant la science politique à l’Université du Missouri, aux États-Unis. Ce dernier est notamment à la direction du programme "Korea Democracy Barometer" qui a pour but de surveiller les dynamiques des réformes économiques et démocratiques ainsi que leurs effets sur la qualité de vie des Coréens, et ce depuis les quinze dernières années.

Les deux professeurs se sont posé la question suivante : est-ce que l’attachement des Coréens pour les valeurs confucéennes, encore profondément ancrées dans la culture dans certains cas, contribue à les encourager à supporter ou non la démocratie libérale telle que la connaît le monde occidental? Les auteurs rappellent d’ailleurs au lecteur que le monde occidental et le monde oriental sont assez opposés de par leur culture. En Occident, la culture veut que tous sachent qu’ils sont uniques, que la diversité est une bonne chose, que l’indépendance de l’individu est souhaitable et même très encouragée. En Asie, cependant, l’héritage culturel y est totalement opposé. Le confucianisme, qui est encore assez présent dans la mentalité des Asiatiques, prône l’importance de la famille, l’unité, la prévalence du groupe sur l’individu; on met l’emphase sur le bien commun plutôt que sur les droits individuels. C’est pourquoi, devant de telles valeurs, il peut sembler un peu paradoxal d’y instaurer une démocratie libérale.

Dans l’article, les auteurs procèdent à l’analyse des résultats d’un sondage effectué sur un échantillon de la population coréenne. L’échantillon est bien représentatif de la population; parmi les répondants, on y retrouve des hommes et femmes de tous âges, riches et pauvres, venant de tous les milieux. Certains ont fait des études supérieures, d’autres n’ont fait que leurs études primaires. Ces critères sont d’ailleurs assez importants dans le texte car les auteurs les utilisent pour bien interpréter les résultats. En premier lieu, on nous présente les résultats des questions visant à évaluer l’attachement des Coréens aux valeurs confucéennes « sociales » suivantes : la hiérarchie sociale (respect de l’autorité, respect des aînés, piété filiale), l’harmonie sociale (sentiment face aux conflits, à l’affirmation de soi au sein d’un groupe), la primauté du groupe (loyauté au sein d’une famille, au sein d’un groupe, d’une société) ainsi que l’anti-pluralisme (aversion pour la profusion d’idées différentes, préférence pour l’uniformité des idées). Les auteurs observent que bien que certaines valeurs soient encore profondément ancrées dans la culture des Coréens (harmonie sociale/aversion pour le conflit, poursuite du bien-être commun), certaines autres comme le respect de l’autorité pourraient être mises au défi dans le futur; les résultats démontrent que les catégories de gens les plus attachés à ces valeurs sont les personnes âgées ainsi que celles qui n’ont pas d’éducation. Si le niveau d’éducation venait à augmenter dans un futur proche, jumelé à un changement générationnel, on pourrait possiblement être témoin d’un détachement de plus en plus marqué face à ces valeurs. 
Ensuite, on peut voir les résultats aux questions visant à évaluer l’attachement des Coréens pour les valeurs « politiques » suivantes : la « famille-état » (considérer que la dynamique de l’autorité au sein d’une société est la même que dans une famille, où tous doivent obéir au père, donc tous doivent obéissance au chef), la morale de l’état (le chef doit être vertueux, on préfère un chef qui soit bienveillant plutôt que compétent) ainsi que les politiques anti-antagoniques (désaccord face à la division du pouvoir législatif/exécutif; rappelons que le confucianisme prône l’unité). Les Coréens sont encore d’accord avec les deux premières valeurs, mais adhèrent moins à la troisième. Encore une fois, l’âge et le niveau d’éducation semblent être les facteurs qui ont le plus grand impact sur l’attachement à ces valeurs.
Finalement, on procède à la question la plus importante du questionnaire, à savoir si les Coréens sont en faveur d’une démocratie et s’ils sont contre l’autoritarisme. En examinant les résultats, on peut noter que les répondants détachés des valeurs confucéennes avaient tendance à être contre l’autoritarisme, voire à supporter la démocratie. Il faut aussi noter que certains sujets complètement attachés aux valeurs confucéennes supportent aussi la démocratie, malgré son opposition auxdites valeurs. Il est intéressant de voir comment le confucianisme a évolué en-dehors du territoire chinois, mais surtout, comme le démontre bien ce texte, de constater comment il a su se perpétuer et rester, encore de nos jours, dans la mentalité des Coréens, qui, pourtant, vivent dans une société très développée, très avancée au niveau technologique et scientifique.
En conclusion, les auteurs suggèrent que l’avenir saura assurément mener le peuple coréen sur la voie de la démocratie libérale (par l’augmentation du niveau d’éducation et le vieillissement de la population) et proposent que peut-être les Coréens n’ont pas la même conception de la démocratie que les Occidentaux, étant donné la présence de certaines contradictions dans les résultats du sondage, mais il s’agit là d’une toute autre question. 

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