mercredi 7 décembre 2011

Taxation without Representation


Texte de David Thivierge


Thomas P. Bernstein and Xiaobo Lü, « Taxation without Representation: Peasants, the Central and the Local States in Reform China. » The China Quarterly, No. 163 (Sep., 2000), pp. 742-763.


Thomas P. Bernstein, maintenant à la retraite, a été professeur émérite de l’université de Colombia, en sciences politiques. Il s’est spécialisé sur la Chine et les systèmes communistes en général. Plus récemment, il a publié sur différents aspects des relations entre les paysans et l’État en Chine pendant les réformes. C’est dans le cadre de cet intérêt qu’il a écrit « Taxation without Representation: Peasants, the Central and the Local States in Reform China. », ensemble avec le professeur Xiaobo Lu. Xiaobo Lu est maintenant professeur de sciences politiques au collège Barnard, et a été le directeur fondateur de Columbia Global Centers | East Asia, à Beijing. L’article explore les problèmes de taxation excessive des paysans, et les réactions du gouvernement central et des paysans face à ce problème. Les sources sont variées, le plus souvent les œuvres d’autres auteurs. 

Les auteurs commencent par un tour d’horizon de la charge fiscale des paysans. La taxe formelle, selon la loi, ne devrait pas dépasser 5% du total du revenu net de l’année précédente. Mais cette règle est plus souvent qu’autrement contournée ou ignorée. En plus de l’impôt, et de façon générale beaucoup plus contestés, il y a les redevances, l’imposition, les collectes de fonds et les amendes. Ces méthodes sont souvent utilisées de façon très abusive par les responsables locaux pour faire de l’argent. L’opposition des paysans à l’imposition rend la collecte longue et difficile. Dans bien des cas, et malgré les directives du gouvernement central, les responsables locaux en viennent à utiliser des méthodes brutales pour amener les paysans à payer. Outre les cas de violences, la méthode favorite de coercition est généralement les amendes et les confiscations. Toute cette imposition abusive a eu un effet très négatif sur le revenu des paysans, bien sûr. Dans les années 90, leur fardeau fiscal augmentait plus rapidement que leurs revenus nets, cela à cause de toutes les charges qui n’entrent pas dans la catégorie de taxe officielle (qui doit normalement être maintenue à 5%). De plus, il s’agit d’impôts dégressif, c’est-à-dire qu’il touche surtout les paysans les plus pauvres.
Sur la question du fardeau fiscal, le gouvernement central s’est rangé du côté des paysans. L’imposition excessive selon eux constitue un danger  à la stabilité du monde rural chinois et aux supports ruraux du Parti. Le gouvernement central a à cet effet lancé plusieurs édits demandant une réduction du fardeau, mais ils ont été plus ou moins ignorés par les gouvernements locaux. De plus, le gouvernement central était de toute façon en partie responsable du problème : une part des redevances, collectes de fonds et autres, sont en fait autorisées par lui. Qui plus est, le gouvernement central fixe beaucoup d’objectifs de développement compétitifs pour les gouvernements locaux, mais sans vraiment leur donner les moyens de les atteindre, ce qui les force à prendre au niveau local ce dont ils ont besoin. À côté de ces protestations futiles du gouvernement central, les paysans aussi organisaient leurs propres manifestations contre ces abus. Il s’est produit plusieurs manifestations paysannes, certaines pacifiques, d’autres non. D’ordre général, il s’agit de protestations très localisées, peu organisées (parfois même carrément improvisées sur le moment). Certaines sont organisées et dépassent le cadre du seul village, mais elles ne vont généralement pas très loin, et ne risquent pas de s’étendre à une fraction importante de la population, ni d’emporter la population urbaine avec elles. Depuis certains temps, les paysans sont au courant des efforts du gouvernement central, et l’un des buts de ces manifestations est de mettre les gouvernements central et local en opposition. Cela dit, le plus souvent il ne s’agit que des manifestations de la colère accumulée des paysans d’un village. Pour pallier à leur incapacité à aider les paysans eux-mêmes, le gouvernement central a tenté quelques mesures pour donner aux paysans le pouvoir de résister eux-mêmes aux abus, par exemple en permettant des élections de chef et conseil du village. Cela dit, l’effet de ces élections reste très limité. Dans certains cas, la théorie rejoint la pratique et les paysans ont connu un certain assouplissement des mesures de taxation. Mais la plupart du temps, le conseil du village est subordonné aux autorités locales (qui sont chargées de fixer la taxation). Les auteurs concluent que le problème persiste et que la solution la plus rationnelle, une taxe standardisée, est pour l’instant laissée de côté car elle est trop difficile à appliquer.
Le texte est très intéressant (bien que parfois un peu technique) pour ceux qui s’intéressent à la condition des paysans et à leurs relations (particulièrement fiscales) avec les gouvernements central et local (i.e. pertinent pour pas mal toutes les questions, à ce que je peux voir). Incontournable pour votre travail, quel qu’il soit. 

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